mercredi 28 juillet 2010

Grande distribution alimentaire : la guerre des prix n’aura pas lieu… chez les hard discounters

Après une excellente année 2008 et alors que la période de crise laissait présager une belle croissance au hard discount, la part de marché de celui-ci est en régression depuis 2009.

La principale cause généralement citée* est la politique tarifaire agressive des super et hypers, qui expliquent la diminution du panier moyen dans les enseignes de hard discount notamment sur les produits les plus chers. Si Leclerc (toujours très agressif sur les prix) a dû très récemment arrêter sa Garantie Promo faute de lisibilité, d’autres groupes se sont lancés dans la course au prix bas : par exemple Intermarché et sa campagne sur le "discount utile", Auchan et sa communication principalement axée sur les prix, ou Carrefour et sa gamme de produits à bas prix (Carrefour Discount) dont les prix s’alignent sur ceux du hard discount.

Quelle alternative donc pour les hard discounters ? Se différencier et innover.

Pourquoi pas en effet, puique comme LSA l’affirmait en Mai dernier, près de 60% des consommateurs parlent de plaisir lorsqu’ils évoquent les courses en grande surface et la moitié des Français se disent prêts à renoncer à leur produit habituel pour une nouveauté !

Pour faire face, les discounters (hard et soft) changent donc de cap.

Ed / Dia : lance en Juin dernier sa carte de fidélité en France avec un système de remise immédiate deux fois par mois et pendant quinze jours.

Leader Price : intègre dès ce mois-ci des marques nationales dans ses linéaires à 250 références environ dès cet automne (~7% de l’offre), étoffe sa gamme de produits frais et lance le Bio discount, plus en ligne avec les attentes du consommateur urbain et répondant à la problématique de budget restreint

Netto : seul hard discounter à tirer son épingle du jeu, profite du succès de son nouveau concept : renforcement de l’offre, introduction des marques nationales, création d’une MDD Netto et mise en place d’un système de promotions original consistant en de lots virtuels dégressifs (plus on achète, plus la remise est importante) – Frédéric Brezet, Directeur de l’enseigne parle d’un « supermarché hard discount, avec le confort d’achat du supermarché »

L’enjeu des hard discounters, qui disposent déjà de l’avantage concurrentiel de la proximité mais qui sont en train de perdre celui du prix, est bien la différenciation.

En parallèle, les principaux enjeux pour les grandes enseignes, super et hypers, restent bien sûr leur positionnement prix mais également l’adaptation aux nouveaux comportements d’achats, essentiellement à travers la proximité (voir mon article sur ce blog) et les innovations liées au multicanal.

La question qui se pose aujourd’hui sur le positionnement des acteurs hard discount qui se comportent comme des supermarchés est de savoir si ceux-ci ne sont pas en train d’entrer dans une voie du milieu, obscure pour le consommateur qui risque d’y perdre fortement en lisibilité


* : outre la politique tarifaire agressive des grandes enseignes, on peut également ajouter aux causes de la perte de vitesse du hard discount : 1. du fait de la crise, la diminution du budget alimentaire des populations les plus démunies, principale clientèle des hard discounters 2. L’abrogation de la loi Galland qui a permis une baisse des prix sur les marques nationales

Sources : LSA numéros de Mai-Juin-Juillet 2010, Linéaires 07/12/09 "Nouveau concept Netto", Etude Precepta Mai 2009 "Enjeux de la distribution alimentaire", L'Expansion 13/07/10, Etude LSA / Nielsen 2009 "Nouvelle année record pour le hard discount"

jeudi 1 juillet 2010

Bricorama montre la voie... et part en courant !

« Bricorama électro suffisant et vert » : c’est le titre d’un article de Décisions Durables, un nouveau magazine que j’apprécie énormément pour sa qualité éditoriale, la pertinence de ses sujets, ainsi que pour le caractère très business oriented de ses articles. Mais là n’est pas le sujet !

Bricorama investit en 2006 puis en 2008 dans un parc éolien qui lui permet de produire plus d’énergie qu’il n’en consomme ! Avec 12 éoliennes et une production de 24 MW (un équipement qui permettrait de subvenir aux besoins énergétiques de 24 000 personnes), le groupe est sans conteste un exemple à suivre.

Mais ce que l’article ne mentionne pas c’est que Bricorama cherche à vendre son parc éolien breton depuis 2008 (l’année même de son inauguration et après y avoir investi 12 millions d’Euros) mais sans trouver d’acheteur. Dans son rapport annuel 2009 publié en avril dernier, le groupe classe cette production électrique en actifs destinés à être cédés, intégrant ainsi une économie d’impôts liés à la cessation des actifs dans le résultat net de l’ordre de 4 à 5 millions d’Euros. Le groupe peut ainsi afficher un résultat net en augmentation de 3,3% par rapport à l’année précédente. Que ce serait-il passé si Bricorama avait conservé son parc ?

Un résultat net en diminution de 15%... pour la deuxième année consécutive ! On comprend mieux la manœuvre. Mais la vraie question est pourquoi Bricorama n’a-t-il pas anticipé cette charge d’impôts sur les sociétés relative à son parc éolien ? A mon sens le groupe l’avait bien anticipé mais s’est trouvé dans l’un des deux cas suivants :


1. Spéculation : le groupe avait prévu de réaliser une plus value rapide sur la construction puis la vente de son parc éolien en profitant du contexte favorable au développement des énergies vertes (subventions régionales/ ADEME ? (1) amortissement dégressif accéléré octroyé aux équipements de production d'énergies renouvelables ? (2) Réduction de 50% de la valeur locative pour les matériels destinés à économiser l'énergie ? (2))

2. Optimisme : le groupe prévoyait de meilleurs résultats en 2008 (notamment augmentation plus forte du CA, moins forte dégradation des résultats financiers…) et a dû trouver rapidement un moyen d’améliorer son résultat net – d’où l’absence de communication sur l’électro-suffisance de Bricorama qui aurait pourtant pu être très favorable à son image


Mais en laissant de côté la revente du parc éolien de Bricorama et ses raisons mystérieuses, je voudrais tout de même noter que l’exemple de Bricorama est un très bon axe de différenciation pour les entreprises qui veulent marquer leur engagement sur les questions environnementales (y compris lorsque leurs initiatives ne leur permettent pas de devenir électro-suffisants) : évaluons par exemple le coût d’installation de panneaux solaires sur les toits des commerces, ou l’impact qu’aurait sur le consommateur la construction d’une éolienne (ne serait-ce que 250 ou 500 kW) sur le parking de leur hypermarché…



(1) : http://www.ademe.fr/midi-pyrenees/a_2_11.html

(2) : http://www.environnement.ccip.fr/Transversal/Aides-et-taxes/Energie/Aides-dans-le-domaine-de-l-energie/Aides-fiscales/Mesures-fiscales-economies-d-energie-et-energies-renouvelables