mardi 29 juin 2010

Faut-il bannir la carotte ?

Les incentives financiers sont un levier de motivation qui fonctionne bien.

Forcément, puisque nous les avons toujours utilisés et les utilisons encore. Mais ce que démontre Daniel Pink, c'est qu'ils fonctionnent uniquement sur des tâches simples, pour lesquelles l'objectif est clairement déterminé et ne fonctionnent pas, voire dégradent la performance, sur des tâches qui demandent d'être créatif, d'avoir des idées innovantes.

Daniel Pink nous l'explique avec passion sur cette vidéo de 18mn (en s'appuyant sur des démonstrations scientifiques et des exemples du monde de l'entreprise) et nous exorte à un management qui laisserait plus de place à l'initiative personnelle et donnerait plus d'autonomie aux collaborateurs : d'ailleurs 50% des innovations de Google, dont Gmail et google news, sont inventés pendant les 20% de temps d'autonomie laissé par l'entreprise américaine à ses employés...





PS:Merci à Emmanuel d'avoir posté cette vidéo en commentaire de mon premier article !

PPS:Et pour aller plus loin, je vous renvoie à l'article de Wikipedia sur l'Overjustification effect dont voici un extrait intéressant :

Researchers promised a group of 3–5 year old children that they would receive a "good player" ribbon for drawing with felt-tipped pens. A second group of children played with the pens and received an unexpected reward (the same ribbon), and a third group was not given a reward. All of the children played with the pens, a typically enjoyable activity for preschoolers. Later, when observed in a free-play setting, the children who received a reward that had been promised to them played significantly less with the felt-tipped pens. The researchers concluded that expected rewards undermine intrinsic motivation in previously enjoyable activities. A replication of this experiment found that rewarding children with certificates and trophies decreased intrinsic interest in playing math games.
http://en.wikipedia.org/wiki/Overjustification_effect

jeudi 24 juin 2010

Mon épicier a-t-il une chance de survie face à la grande distribution qui vient s’implanter en centre-ville ?


Le modèle du petit épicier is back from hell

Depuis le début des années 1990 et jusqu'en 2008, le commerce de proximité des produits alimentaires n’a cessé de voir diminuer le nombre de ses établissements (voir graphe ci-contre) alors que la consommation des produits qu'ils proposent a progressé : c’était l’essor des grandes et moyennes surfaces (GMS).















Mais en 2009, alors que pour la première fois depuis 30 ans le chiffre d’affaires des GMS est en recul, la proximité revient sur le devant de la scène : alors que le CA des hypers baisse en 2009 de 6,3% et celui des supers de 1,7%, le CA des enseignes de proximité progresse, lui, de 1,6%.

Ainsi, d’après l’étude Shopper 2009 (Simm – TNS), près de 80 % des consommateurs français sondés disent vouloir faire leurs courses près de chez eux en 2009, contre 66% en 2002. Les consommateurs continuent de fréquenter leur hyper mais 2 fois par mois plutôt qu’une fois par semaine autrefois.

Le client cherche donc à moins se déplacer mais aussi à créer une relation de convivialité avec son nouveau commerçant de quartier, pour des produits beaucoup moins chers que les alimentations générales traditionnelles mais qu’il accepte tout de même de payer 10% plus cher en moyenne que dans les hypers.

Mais les distributeurs en quête de proximité doivent s'appuyer sur de nouveaux concepts

Car pour réussir dans l’ultra-proximité, la grande distribution répond aux exigences nouvelles d’une cible urbaine au mode de vie plus rapide (nécessité d’horaires d’ouverture plus larges, accroissement du besoin de gain de temps...) et aux habitudes alimentaires en mutation. En voici un rapide panorama non exhaustif :

1. La force de frappe des grands distributeurs en plein centre-ville

Groupe Casino :

- Monop’ : lancée en 2005, l'enseigne propose une offre principalement axée sur les produits frais, l'épicerie classique et l'épicerie fine, ainsi que l'essentiel de la beauté et du soin, du bricolage et de la papeterie.

- Marché Franprix lance son nouveau concept fin 2008 : un environnement épuré avec des écrans plasma plutôt que des affiches, des rayons plus larges que la moyenne, plus de surgelés et plus de MDD. Objectif : passer de 800 enseignes aujourd’hui à 1000 en 2012 !

- Leader Price a revu son image et lance en 2010 son nouveau concept : visuels plus attractifs, accent sur le prix et les promotions, plus de produits frais et de produits bio. Objectif : passer de 600 magasins aujourd’hui à 1000 en 2014 !

Groupe Carrefour :

- Carrefour market : lancé en 2009 pour remplacer les magasins Champion, Carrefour market propose une offre plus diversifiée et de nouveaux rayons comme les arts de la table, la mode et la beauté, la culture et les loisirs... Et près de 20% de produits en MDD.

- Dia : succès du lancement des magasins Dia (« hard discount dans des magasins soft discount ») en France en 2009 – accent mis sur les prix mais avec plus de convivialité de l’environnement, plus de fruits et légumes, un nouveau rayon traiteur, du snacking… Objectif : poursuivre la transformation des magasins Ed en Dia (950 magasins)

Auchan :

- Simply Market : créé en 2005 mais nouveau concept lancé en 2009 (transformation des magasins Atac) : supérette urbaine misant sur un assortiment réduit et une remise permanente sur les marques de distributeur (pas de promotions : prix bas toute l’année)

- Auchan Groumand : Première enseigne lancée à Marseille en 2009 : selon LSA, privilégie les achats plaisir, avec la priorité aux produits frais, à l'hygiène-beauté-santé et aux arts de la table-décoration. Positionnement moyen-haut de gamme.

2. Les nouveaux concepts de magasins urbains : distribution et restauration

Avec la croissance de la restauration rapide qui n’est aujourd’hui plus nécessairement associée au junk food, quantité d’acteurs viennent se positionner sur le marché du snacking urbain de qualité : Exki, Jour, Bert’s, Lina’s, Cojean…

Et devant une telle opportunité, la grande distribution, qui dispose à la fois des produits alimentaires et de la force de frappe nécessaire, se lance sur ce marché en forte croissance :

- Dailymonop’ : lancés en 2005, ces magasins sont ouverts 6 jours sur 7 jusqu’à minuit, et leur offre repose essentiellement sur la restauration rapide (sandwichs, salades, desserts, fruits, boissons) avec un espace de consommation

- Carrefour city : lancé en 2009, mise sur la qualité et la fraîcheur avec une offre importante en fruits, légumes, pains et viennoiseries ; des produits urbains et nomades comme le snacking, le traiteur ou les produits du monde et des produits bio. Suivant l’exemple de Dailymonop’, Carrefour City propose dans ses enseignes un espace détente où le client peut venir consommer son sandwich ou son produit traiteur. Objectif : poursuivre la transformation des Shopi en Carrefour City (400 en 2010) et développer les Carrefour Contact à l’entrée ou au cœur des petites villes

- Chez Jean (joint venture Casino et Relay): lancé en 2009, ce magasin de proximité propose une offre de petite restauration (sandwiches, salades, viennoiseries, desserts…), des produits d’épiceries pour des achats de dépannage (650 références) et certains services (dépôt de pain, journaux, internet…) Notons à ce sujet le commentaire de Bernard Buono, Directeur general chez BETC Euro RSCG : « […] On pourrait presque parler de proximité psychologique, tant la typographie manuscrite donne l'impression que l'épicier s'appelle M. Jean et qu'il a écrit à la main ses publicités sur le lieu de vente. Les marques ont besoin de cette proximité pour capter des cibles qui délaissent les hypermarchés.»


D’autres concepts assez similaires à Carrefour City ont été lancés mais je ne les détaillerai pas ici (assez de lecteurs ont déjà cliqué sur la petite croix en haut à droite), je pense en particulier à U Express et Intermarché Express.

Alors comment mon épicier va-t-il se différencier ?

J’ai déjà partiellement répondu à la question en mentionnant les nouveaux acteurs du snacking de qualité (type Exki, Bert’s, etc…) , qui peuvent proposer, en plus de la restauration, la vente de produits alimentaires frais. C’est certes le début d’une réponse à la distribution ciblée sur les urbains à fort pouvoir d’achat mais pas une alternative réelle à une supérette de centre ville.

Ainsi, pour répondre à cette question, je pose ma e-plume (NDB : j’en ai d’ailleurs assez de m’électrocuter les doigts à chaque fois que je trempe ma e-plume dans mon e-encrier) et vous livre directement le point de vue des principaux intéressés, la Fédération Nationale de l’Epicerie (si, si : http://www.fnde.com/) :

"Face à la concurrence de la grande distribution, le commerce de détail peut se maintenir en centre ville ou dans les zones rurales à condition d'offrir des services supplémentaires et des horaires souples ou élargis.

Pour se démarquer de ses concurrents, le créateur peut offrir une gamme de services variés : photocopies, horaires adaptés, vente de produits non alimentaires, rôtisserie, vente de produits frais, relais Poste, etc.

Le commerçant peut se spécialiser dans la vente de fruits et légumes (rentable pour un connaisseur).

Il faut de toute façon cibler au maximum les produits en fonction de la clientèle, privilégier l'accueil : sourire, services, contacts, qualité des produits…
Mais aussi savoir jouer la carte des associations de commerçants.

Pour se démarquer, il faut être à l'écoute de sa clientèle et étudier son environnement."

Et pour conclure, je souhaiterais citer Pierrot Da Costa, détaillant fruitier (Cours des Halles à Paris) et vice-président du réseau Le Fruitier, qui déclare sur le site du marché de Rungis :

« On ne peut pas se battre contre la GMS sur les prix mais sur la qualité et la largeur de gamme de nos produits. J’ai 42 ans et j’ai démarré dans le métier à 12 ans. J’ai confiance en l’avenir du commerce de proximité car il y aura toujours des commerçants exigeants pour trouver les bons produits et des gens exigeants pour les consommer…».


Sources :
Linéaires magazine Janvier 2010
Etude Simm TNS Média Intelligence « Shopper 2009 »
Etude « Le marché de la restauration rapide : les nouveaux concepts », Xerfi Juin 2009
http://www.mediaslibres.com/tribune/post/2010/02/18/Grande-distribution-et-proximite
http://www.challenges.fr/actualites/entreprises/20090529.CHA4148/carrefour_relooke_ed_en_dia.html

jeudi 17 juin 2010

Comment conserver un positionnement prix élevé en investissant dans une production équitable

Le marché du thé en France est une mine d’or. Aujourd’hui deux Français sur trois consomment du thé alors qu’il y a douze ans, ils n'étaient qu’un sur deux. Dans le même temps, le chiffre d'affaires du marché a doublé, passant aujourd’hui à 500 millions d'euros.

Mais avec de plus en plus de variétés de thés sur le marché et une concurrence plus féroce qu’autrefois, Lipton a du mal à justifier son positionnement prix plus élevé. Ainsi, après avoir joué la carte de la santé pendant plusieurs années en mettant en avant les propriétés anti-oxydantes de son thé (qui n'est plus un élément différenciant aujourd'hui), Lipton décide d’investir 5 millions d’Euros dans un nouvel axe de différenciation : labelliser une partie de sa production de thé par Rainforest Alliance pour la rendre équitable. Et Lipton nous prend donc aujourd'hui à parti avec son nouveau slogan : « Votre tasse de thé peut faire beaucoup »

NDB : Lipton sous-entend peut-être que l’on peut également utiliser sa tasse de thé pour boire de la soupe - chacun interprète comme il le souhaite.

En 2010, tous les sachets Lipton vendus en Europe de l’Ouest ont le label de Rainforest et le reste des ventes mondiales devrait être labellisé d’ici 2015. L’Europe de l’Ouest est en effet, de loin, la cible la plus sensible à ce type de problématique, puisque 75% de la production mondiale de thé bio est destinée à l’Europe et aux Etats-Unis.

Ce cas est intéressant à mon sens parce qu’il montre clairement la réalité de l’impact des comportements d’achat responsables sur le positionnement des marques et en particulier sur une marque d'un groupe aussi important qu'Unilever... Ah oui, ce qui permet à cette dernière de justifier un positionnement prix élevé.

http://www.liptonforthefuture.com/